Publié le 16/09/2020
Au Sénat, Didier Raoult refuse la contradiction

Paris, le mercredi 16 septembre 2020
– Auditionné ce mardi par la commission d’enquête du Sénat, le professeur Didier Raoult a refusé la présence de deux membres du Conseil scientifique.
L’audition très attendue du professeur Didier Raoult devant la commission d’enquête parlementaire du Sénat ce mardi aura plus eu l’apparence d’un discours, voir d’un programme politique que d’un débat ou d’une audition. Durant plus de deux heures, le médecin marseillais a pu exposer librement sa version de l’épidémie de coronavirus devant une assistance globalement bienveillante.
Le professeur Raoult devait pourtant au départ être confronté à deux membres du conseil scientifique, le docteur Dominique Costagliola, épidémiologiste et le Professeur Yazdan Yazdanpanah, infectiologue. Mais il a refusé la présence de ses contradicteurs, avec lesquels il s’est souvent opposé par médias interposés. « Je vous demande de me pardonner de ne pas parler avec des gens qui m’insultent » a expliqué aux sénateurs le professeur Raoult, faisant référence à une tribune publiée dans Libération et signée par le docteur Costagliola qui l’accuse implicitement de fraude. « Je n’ai jamais fraudé de ma vie » a-t-il affirmé.
Le Pr Raoult croit en la mutation du virus
Didier Raoult a donc eu les coudées franches ce mardi et il faut désormais, comme souvent avec lui, faire le tri entre les analyses judicieuses et documentées et les commentaires à l’emporte-pièces. Plusieurs fois ce mardi, le professeur Raoult a critiqué avec des arguments solides la gestion de l’épidémie par le gouvernement, notamment sur la question du dépistage. Il a ainsi déclaré que la France aurait très bien pu, dès les débuts de l’épidémie, se lancer dans une politique de dépistage massif et a rappelé comment les autorités avaient longtemps refusé l’aide pourtant si précieuse des laboratoires vétérinaires. Il a également fustigé l’attitude anxiogène des autorités et des médias face à une pandémie dont le nombre de morts est, selon lui, relativement minime : « il n’y a pas de raison d’être affolé, nous ne sommes pas face à un drame insupportable ».
Le professeur Raoult a également évoqué une question épineuse qui commence à susciter un vif débat parmi les scientifiques, celle de la mutation du virus. Pour le médecin marseillais, il n’y a pas de doute : le Sars-Cov-2 a muté depuis le début de l’épidémie et est devenu moins virulent. « Les patients ont beaucoup moins de troubles de la coagulation, ils sont moins sévères » explique Didier Raoult, face à des sénateurs quelques peu sceptiques. Il faut dire que lors de précédentes auditions devant le Sénat, le Pr Bruno Lina, virologue et le Pr Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, ont balayé cette hypothèse.
Le numéro bien rodé sur l’hydroxychloroquine et les études contre placebo
Mais cette audition aura surtout été, l’occasion pour lui, comme souvent avec le professeur Raoult, de défendre son action durant l’épidémie et de flatter son égo. A l’entendre, il a tout vu avant tout le monde : il est le premier à avoir découvert les symptômes de l’anosmie et de l’agueusie, le premier à avoir observé des troubles de la coagulation chez les patients Covid, le premier surtout à avoir disposé de données fiables sur l’épidémie et à avoir tenté de soigner les patients.
Pour terminer l’audition, comme un chanteur qui clôture son concert par son plus gros succès, le Pr Raoult n’a pas manqué d’évoquer la question qui l’aura rendu célèbre : l’hydroxychloroquine. Malgré le quasi abandon de traitement par les médecins partout dans le monde et les publications scientifiques qui pointent son inefficacité, le Pr Raoult a continué de promouvoir le protocole qu’il défend depuis février. Selon lui, l’usage de l’hydroxychloroquine diminue de 30 % à 40 % la mortalité chez les patients Covid.
A ce sujet, le professeur Raoult a également défendu sa méthode de travail et son refus d’utiliser un groupe placebo pour vérifier prouver l’efficacité du traitement, se lançant dans une diatribe contre les études randomisées : « Le fait que les études randomisées soient l’alpha et l’omega de la recherche, ce n’est pas bien. Tirer au sort les malades qui auront le traitement, je ne vais pas le faire » a-t-il expliqué.
La question de l’utilisation de la chloroquine aura d’ailleurs été l’occasion d’une seule passe d’arme de ce mardi. Bernard Jomier, sénateur LR et médecin généraliste, a en effet interrompu le manifeste du docteur Raoult pour lui demander, pourquoi selon lui, la majorité des pays du monde déconseillent l’utilisation de l’hydroxychloroquine. Comme souvent, le médecin marseillais s’en est sorti par une réponse méprisante, teinté de mégalomanie : « vous ne pouvez pas me dire à moi que vous savez mieux que moi, chacun son métier ». Un numéro bien rodé, qui commence, peut-être à lasser quelque peu les Français.
QH
Didier Raoult s’emporte devant le Sénat
RÉCIT – Le professeur marseillais a refusé la confrontation avec deux scientifiques contradicteurs.Par Tristan VeyPublié le 15 septembre 2020 à 18:38, mis à jour le 16 septembre 2020 à 14:30
https://www.lefigaro.fr/politique/didier-raoult-s-emporte-devant-le-senat-20200915
L’audition de Didier Raoult devant la commission d’enquête du Sénat était très attendue. Elle s’est révélée une fois de plus assez étrange, comme souvent avec le professeur marseillais. L’absence de contradicteurs spécialisés n’a pas aidé. À l’origine, les sénateurs espéraient pouvoir le faire débattre avec l’éminente épidémiologiste Dominique Costagliola et l’infectiologue Yazdan Yazdanpanah, membre du Conseil scientifique. Las, le microbiologiste a refusé.
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«Il y a des limites à ma convivialité», a-t-il expliqué lors de son propos liminaire. «Je vous demande de me pardonner de ne pas parler avec des gens qui m’insultent», faisant implicitement référence à une tribune l’accusant (sans le nommer directement, mais l’attaque est très clairement dirigée contre lui) de fraude dans Libération, cosignée par la première. «Je n’ai jamais fraudé de ma vie», a-t-il soutenu devant les sénateurs, reconnaissant que «des erreurs sont passées», et qu’il devait y avoir «2 à 4 % d’erreurs dans les papiers que j’ai faits (3500 publications selon son propre décompte, NDLR)».
À VOIR AUSSI – «Je n’ai jamais fraudé»: face aux accusations, le Pr Didier Raoult se défend au Sénat«Je n’ai jamais fraudé»: face aux accusations, le Pr Didier Raoult se défend au SénatPartagerVideo Player is loading.PauseUnmuteCurrent Time 0:00/Duration 1:30Loaded: 99.46% Fullscreen
L’audition s’est ensuite poursuivie dans son style désormais caractéristique, mélangeant les précisions techniques inutilement détaillées (pour impressionner son auditoire néophyte?), la fausse modestie («je ne suis qu’un pauvre humain», «je suis un être très pragmatique et pratique», «vous n’avez qu’un pauvre professeur marseillais devant vous», etc.) et les accusations, à la fois vagues et sévères (souvent légitimes) sur la gestion de la crise sanitaire par les autorités (en particulier le retard pris dans les capacités de dépistage).EN DIRECT : Covid-19: «Je ne sais pas ce que le virus va devenir», dit Raoult
La recette est ensuite un peu toujours la même: prétendre qu’il est le seul en France (voire dans le monde…) à avoir observé vraiment les malades, à disposer de chiffres fiables sur l’épidémie et la symptomatologie, et à essayer de soigner les gens. Des milliers de médecins en France manquent de s’étrangler à chaque fois, ou le font sur les réseaux. À l’écouter, il serait le premier à avoir découvert que l’anosmie et l’agueusie sont de symptômes très spécifiques du Covid-19 ; que la maladie est liée à de nombreux problèmes de coagulation ; que l’hypoxie des patients ne s’accompagne souvent pas de la gêne respiratoire que l’on constate habituellement dans les syndromes de détresse respiratoire aiguë traditionnels ; etc.
Sans personne pour le corriger ou le bousculer parmi les rapporteurs du Sénat, Didier Raoult développe son laïus, justifie de n’avoir pas mené d’essai en double aveugle sur son traitement «miracle», la combinaison hydroxychloroquine et azithromycine, au motif qu’il ne se verrait pas donner un potentiel placebo à un malade alors qu’il a un traitement qui marche. Sauf que ce traitement, justement, ne fonctionne pas si bien que ça.À LIRE AUSSI : Covid-19: les hôpitaux risquent-ils d’être saturés?
Le sénateur Bernard Jomier (PRG), médecin généraliste de formation, a tout de même le courage de poser la question qui fâche. Pourquoi les autorités sanitaires de si nombreux pays déconseillent-elles massivement l’hydroxychloroquine (États-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Allemagne Brésil, Portugal, Chine, Japon, Australie, Canada, Suisse, Corée du Sud)? Raoult s’énerve. «Vous avez des informations avec lesquelles je ne suis pas d’accord. (…) Vous ne pouvez pas me dire à moi que vous savez mieux que moi. (…) Chacun son métier, les vaches seront bien gardées.»
Delfraissy défend le conseil scientifique
À tort ou à raison, le Conseil scientifique mis en place par le président de la République pour éclairer les décisions gouvernementales sur le Covid-19 a été l’objet de nombreuses critiques. Entendu par la commission d’enquête du Sénat lundi, son président Jean-François Delfraissy a plus que tout autre fait les frais de ces attaques répétées. S’il ne s’en est pas plaint devant les sénateurs, assurant «avoir les épaules» pour les encaisser, il a tenu à rappeler que l’instance était«collégiale». Il avait d’ailleurs choisi d’être accompagné de plusieurs membres lors de cette audition, qui ont chacun eu un temps de parole.
Le Pr Delfraissy a rappelé en préambule que le Conseil ne constituait en aucun cas un nouveau «pouvoir médical» qui viendrait concurrencer les pouvoirs législatif, judiciaire ou exécutif. «Nous ne décidons rien, c’est le politique qui décide», a-t-il martelé, soulignant l’indépendance et l’autonomie dont le Conseil avait bénéficié. Par ailleurs, «nous ne sommes pas une structure pérenne», a-t-il argumenté, soulignant que le comité, mis en place par le politique, avait souhaité sa propre dissolution le 9 juillet. Ce n’est qu’à la demande expresse des parlementaires que les scientifiques ont accepté de poursuivre leur mission, avec une date butoir fixée actuellement au 30 octobre.
Masques, dépistage, immunité, gouvernance le président du Conseil scientifique n’a éludé aucune question, constatant que la France«n’était pas prête à afronter un tel tsunami». Il a fallu «construire une doctrine, une philosophie, en se fondant autant que faire se peut sur des données scientifiques.» Données qui n’étaient pas nécessairement disponibles au début de la crise. «La science se construit avec des incertitudes», a-t-il justifié. «Deux pas en avant, un pas en arrière, il y a des hésitations.» Ce qui a légitimement pu nourrir chez certains l’impression que l’on ne savait pas bien où on allait. Ce qui n’était pas complètement faux, loin de là.
Covid-19: Didier Raoult et un sénateur opposés sur la chloroquine
15 Septembre 2020
Pour le sénateur Bernard Jomier, également médecin, « la science a parlé », et elle n’est pas en faveur du traitement vanté par le professeur marseillais.
POLITIQUE – “Que chacun fasse son métier et les vaches seront bien gardées.” Auditionné au Sénat ce mardi 15 septembre, le microbiologiste Didier Raoult a inévitablement été interrogé sur l’hydroxychloroquine, le médicament qu’il défend contre le coronavirus en dépit de la multiplication d’études montrant son inefficacité.
C’est l’élu écologiste, également médecin généraliste, Bernard Jomier qui a porté la principale charge contre le professeur marseillais, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article.
“Vous avez, dans votre exposé préliminaire exposé un principe sain, celui du benchmark, vous regardez ce qui se fait à l’étranger. (…) Aujourd’hui il semblerait que la plupart des pays, des États-Unis au Japon, de la Corée du Sud à l’Allemagne en passant par la Chine ne recommandent pas ce traitement là”, a-t-il notamment expliqué, en ajoutant: “il semblerait que la science a parlé, (…) dans le monde entier, ce traitement n’est plus utilisé.”
“Le monde entier est-il dans l’erreur?”
Et Bernard Jomier de conclure son exposé par une question à l’adresse de Didier Raoult: “est-ce que cela signifie que le monde entier est aujourd’hui dans l’erreur?”
Une tirade qui, sans surprise, n’a pas franchement plu au patron de l’IHU. “Je ne suis pas d’accord avec vous, bien sûr, sur aucun des points”, a-t-il d’abord tranché, avant de répondre plus précisément: “il y a 4,6 milliards de personnes qui vivent dans un pays qui utilise l’hydroxychloroquine, vous ne pouvez pas liquider ça comme cela. Vous ne pouvez pas me dire à moi, vous savez mieux que moi ce que c’est que les méta-analyses. Vous avez une opinion et vous voyez bien qu’il n’est pas possible de faire une opinion, c’est le temps qui fait les opinions.”
“Votre émettez une opinion scientifique, et vous voyez, je ne suis pas d’accord. Que chacun fasse son métier et les vaches seront bien gardées. Le temps triera à la fin, on verra bien”, a ensuite conclu Didier Raoult.
Mais pour le sénateur Bernard Jomier, il n’est pas question d’opinion mais de faits. En réponse au professeur, l’élu écolo s’est lancé dans une énumération des pays dont les autorités de santé déconseillent l’utilisation de l’hydroxychloroquine: “aux USA, en Grande Bretagne, l’Italie, la Belgique, le Brésil, le Portugal, la Chine, le Japon, l’Australie, l’Espagne, le Canada, la Suisse et la Corée du Sud.”
Le tout en s’appuyant, sur un tableau publié le 14 septembre sur les réseaux sociaux par l’infectiologue Nathan Peiffer-Smadja, qui lui même cite médias internationaux et institutions officielles comme source.
🔥L’#hydroxychloroquine, un traitement efficace pour #Covid_19 comme le prétend encore Raoult ?
Faisons un petit tour du monde des recommandations voir ce qu’en pensent les experts.
J’ai pris uniquement la dernière version des recommandations nationales dans chaque pays. pic.twitter.com/Gv4VxICFl0— Nathan Peiffer-Smadja (@nathanpsmad) September 14, 2020
“Les États-Unis c’est fédéral. Il y a un tiers des États dans lesquels l’hydroxychloroquine est recommandé. Il y a un tiers des États dans lesquels ils ne savent pas trop ce qu’il faut faire et un tiers des États qui suivent les recommandations de Fauci”, a notamment répliqué le professeur marseillais, répétant son estimation: ”il y a 4,6 milliards de gens qui vivent dans des pays où on dit ‘vous pouvez utiliser l’hydroxychloroquine si vous voulez.’”
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