Sécheresse récurrente

Sols arides, manque de pluie, ruisseaux à sec : année après année, une sécheresse récurrente

Herbe jaunie, ruisseaux asséchés… La sécheresse est particulièrement visible cet été. Plusieurs indicateurs permettent d’observer la fréquence de ce phénomène. 

Par Léa Sanchez et Raphaëlle Aubert  Publié le 01 août 2020 à 05h04 – Mis à jour le 08 août 2020 à 11h58

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/08/01/sols-arides-manque-de-pluie-ruisseaux-a-sec-annee-apres-annee-une-secheresse-recurrente_6047878_4355770.html

Sol asséché à Chassigny-sous-Dun, en Saône-et-Loire le 22 juillet.
Sol asséché à Chassigny-sous-Dun, en Saône-et-Loire le 22 juillet. OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Alors qu’une grande partie de la France étouffe sous une canicule appelée à durer plusieurs jours, la situation des sols déjà fortement asséchés risque de s’aggraver. L’épisode de chaleur intense, avec des températures dépassant les 40° C attendues en Occitanie, Pays-de-Loire, Poitou-Charentes et Aquitaine, devrait s’installer sur le territoire jusqu’au 12 août, et se superposer à une sécheresse déjà marquée. Dans le bassin de L’Armançon, en Côte-d’Or, tous les prélèvements en rivière, dans le canal de Bourgogne et dans les nappes phréatiques pour l’irrigation agricole ou l’arrosage des golfs sont interdits depuis le 20 juillet. Au sud d’Orléans, dans les bassins Loiret-Dhuy, les particuliers n’ont plus le droit de remplir leurs piscines ni de nettoyer leur voiture et ne peuvent arroser leur potager qu’après 20 heures. Selon le site gouvernemental Propluvia, 78 départements étaient concernés au 7 août par au moins un arrêté restreignant la consommation d’eau. Ils étaient 85 en 2019 au même moment, et 50 en 2018.

Pour anticiper la sécheresse et limiter son effet, les autorités publiques évaluent la situation au regard de multiples indicateurs, comme le débit des cours d’eau ou les niveaux des nappes phréatiques. Météo France tient depuis 1959 un indice de sécheresse des sols superficiels (de 1 à 2 mètres de profondeur). Cette année, ils sont très arides en raison du manque de pluie (« sécheresse météorologique ») au printemps. Un déficit pluviométrique qui se poursuit cet été : sur l’ensemble du mois de juillet, le niveau des précipitations n’a jamais été aussi bas depuis que cet indicateur est suivi.

La pluviométrie du début du mois de juillet au plus bas depuis 1959

Ce graphique montre le cumul de précipitations agrégées, en millimètres, sur la période du 1er au 20 juillet pour chaque année depuis 1959

Précipitations cumulées : 25.1 millimètres


Source : Météo France


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Des sols particulièrement secs cet été

« Dans un grand tiers nord-est du pays, sur certaines parties très concernées par la sécheresse des sols, on commence à s’approcher des niveaux des grandes sécheresses estivales de 1976 et de 2003 », commente Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France. Ils s’inscrivent dans une « tendance à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses [au sens de la surface affectée] particulièrement nette depuis la fin des années 1980 ».

Une sécheresse des sols de plus en plus fréquente et vaste – France

Ce graphique montre l’Indicateur annuel de sécheresse des sols en métropole. Il est basé sur l’indice d’humidité des sols superficiels (Soil Wetness Index), et calcule le pourcentage en moyenne sur l’année de la surface du territoire où l’on a observé des conditions anormales d’humidité du sol. La courbe bleue correspond à une moyenne glissante centrée sur 11 ans de cet indicateur. La tendance peut être influencée par des variations naturelles sur quelques années.

Source : Météo France


Les phénomènes de sécheresse des sols (également appelés « sécheresses agricoles ») tendent à s’accentuer. D’après Jean-Michel Soubeyroux, ils « sont deux fois plus importants que dans les années 1960 » en France métropolitaine. Une aggravation que le climatologue explique par des températures de plus en plus élevées, induites notamment par le changement climatique.

Celles-ci accroissent les besoins en eau des plantes et l’évaporation. A précipitations égales, mais à températures plus élevées, le stress hydrique est plus important et la sécheresse plus fréquente et difficile à surmonter, altérant le développement de la végétation.

Ce phénomène se décline différemment selon les territoires. Le quart nord-ouest du pays, qui comprend notamment la Bretagne et la Normandie, reste plutôt préservé en termes de sécheresse des sols. A l’inverse, l’Est et le Sud présentent des signes d’aggravation plus alarmants. Jean-Michel Soubeyroux cite notamment le cas de l’Occitanie où « les sécheresses des sols reviennent trois fois plus souvent que dans les années 1960 ».

Cours d’eau : « quatre années consécutives très sèches »

Dans ces régions, les cours d’eau sont souvent sujets aux étiages, c’est-à-dire des débits exceptionnellement faibles, observés en période estivale. D’après les données de l’Observatoire national des étiages (ONDE), qui surveille les écoulements de près de 3 200 petits cours d’eau métropolitains, 17 % d’entre eux sont en situation d’« assec » (c’est-à-dire que l’eau est « absente, évaporée ou infiltrée ») en cette fin de mois de juillet.

Ce phénomène, lié aux printemps très secs mais aussi aux activités humaines comme le pompage dans les rivières, paraît s’accentuer. En 2019, environ 31 % des cours d’eau observés fin septembre se trouvaient en assec et 6 % en rupture d’écoulement (aucun courant n’est apparent, malgré la présence d’eau, sous forme de flaques, par exemple). Une situation qui « n’avait jamais encore été rencontrée à la même période depuis la mise en place », en 2012, de ce dispositif, précise le dernier bulletin annuel.

2019, année « record » avec 24% d’observations en assec ou en écoulement non visible

Part des observations selon les modalités d’écoulement (environ 3 200 cours d’eau observés mensuellement entre mai et septembre, au plus près du 25 de chaque mois). A noter : l’écoulement des cours d’eau est apprécié exclusivement visuellement, aucune mesure sur le terrain n’est réalisée.


Source : Observatoire national des étiages


« Ce qui est marquant, c’est d’avoir quatre années consécutives qui sont très sèches », note Claire Magand, chargée de mission ressources en eau et changement global à l’Office français de la biodiversité. Elle se montre, néanmoins, précautionneuse quant à l’évolution de ces données, en raison du faible recul temporel : « Quand on regarde la période de 2012 à 2019, on a l’impression qu’il y a une tendance, mais c’est peut-être juste un cycle pluriannuel. »

Le niveau moyen des nappes en baisse

Même prudence pour Hélène Bessière et Lisa Baulon, hydrogéologues au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’organisme qui surveille les nappes phréatiques : « Le réseau de mesures n’a été mis en place qu’à la fin des années 1960 sur les bassins du nord de la France, puis dans les années 1990 pour le reste du pays. »

Cette année« le niveau des nappes est au-dessus de la normale » dans une grande partie de la France, constate Violaine Bault, également spécialiste au BRGM. Les précipitations importantes de l’hiver ont « permis de bien recharger les nappes », qui se remplissent essentiellement à cette saison.

Mais les premières études cherchant à déterminer l’effet du changement climatique sur les niveaux des nappes commencent à donner une idée de la tendance. Selon Hélène Bessière et Lisa Baulon, « même s’il est difficile de différencier ces mesures de l’impact des prélèvements d’eau humains, on observe des tendances à la baisse des niveaux moyens des nappes rapportés à leur amplitude maximale, d’un ordre de grandeur de – 0,1 % par mois », notamment dans l’aquifère de la craie du Bassin parisien.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Sécheresse, surexploitation : le monde a soif

Etant donné les liens étroits entre cours d’eau et eaux souterraines, une évolution de la recharge de nappe pourrait avoir des conséquences en surface : « Si les nappes baissent trop, elles risquent de déconnecter les cours d’eau » et d’augmenter le nombre de petits affluents assec. Avec de nombreuses conséquences sur la flore et la faune, puisque cela pourrait favoriser la disparition de certaines espècesdans les cours d’eau concernés.

Qu’elles concernent les sols, les nappes ou les cours d’eau, les prévisions des chercheurs sont pessimistes. Jean-Michel Soubeyroux de Météo-France s’attend à « la poursuite des tendances actuelles » « Les sécheresses des sols et les étiages pourraient devenir beaucoup plus fréquents et être encore plus sévères l’été. »72 départements au-delà du seuil de vigilance

Avec l’épisode de canicule, la situation se dégrade rapidement en France sur le front de la sécheresse. La terre a soif, l’état des rivières et plans d’eau risquent de poser problème aux humains comme aux écosystèmes. En moyenne, la consommation d’eau s’élève à 26 milliards de mètres cubes par an dans le pays, dont 82 % proviennent des fleuves, rivières et lacs.

Malgré les pluies du printemps, le mois de juillet particulièrement sec a conduit les préfectures à prendre déjà 146 arrêtés restreignant les usages de l’eau souvent jusqu’en septembre, voire novembre. Samedi 8 août, 72 départements étaient au-delà du seuil de vigilance, selon le site Propluvia. En situation d’alerte ou d’alerte renforcée, il est interdit d’arroser les jardins à certaines heures, les espaces verts, de laver sa voiture entre autres. Les agriculteurs doivent pour leur part réduire de moitié au moins leurs prélèvements d’eau ou les cesser plusieurs jours par semaine. Une large partie de l’Est du pays est concernée.

Lorsque le secteur est classé en crise, l’eau potable et celle destinée à la santé et à la sécurité deviennent prioritaires, les autres usages sont suspendus. C’est le cas dans la quasi-totalité des départements de Côte-d’Or, Haute-Vienne, Saône-et-Loire, ainsi que de la majorité du territoire de l’Indre. La préfecture de Dordogne vient d’étendre les restrictions car le département a connu le mois de juillet le plus sec depuis 1950.https://www.facebook.com/plugins/video.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Flemonde.fr%2Fvideos%2F570562910326265%2F&show_text=0&width=560

Léa Sanchez et  Raphaëlle Aubert

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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