Ondes gravitationnelles: un énorme trou noir

Science : la détection d’un trou noir de masse inédite intrigue les chercheurs

Un événement survenu il y a sept milliards d’années, trahi par le passage sur Terre d’ondes gravitationnelles, pose un défi aux astronomes : leurs modèles ne prévoyaient pas l’existence d’objets de cette taille. 

Par David Larousserie  Publié aujourd’hui à 14h00, mis à jour à 16h10

Simulation des ondes gravitationnelles engendrées par la fusion, il y a 7 milliards d’années, de deux trous noirs ayant entraîné la création d’un nouveau trou noir d’une masse inédite, baptisé GW190521.
Simulation des ondes gravitationnelles engendrées par la fusion, il y a 7 milliards d’années, de deux trous noirs ayant entraîné la création d’un nouveau trou noir d’une masse inédite, baptisé GW190521. N. Fischer/H. Pfeiffer/A. Buonanno /Max Planck Institute for Gravitational Physics/ Simulating eXtreme Spacetimes Collaboration

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/02/science-la-detection-d-un-trou-noir-de-masse-inedite-intrigue-les-chercheurs_6050724_3244.html

Quelle secousse ! Le mardi 21 mai à 5 h 02 du matin, les astronomes de la collaboration LIGO-Virgo ont enregistré un signal extraterrestre trahissant l’éclosion, il y a environ 7 milliards d’années, d’un objet encore jamais vu, particulièrement imposant : un trou noir 142 fois plus massif que notre Soleil. C’est 1,7 fois plus lourd que le plus gros trou noir identifié jusqu’à présent par cette technique nouvelle de détection, qui a valu à ses pionniers le prix Nobel de physique en 2017.

Contrairement aux autres instruments d’astronomie, qui « voient » diverses longueurs d’ondes (lumière visible, rayons X, infrarouge…), LIGO et Virgo enregistrent des soubresauts de l’espace-temps, appelés ondes gravitationnelles, équivalant aux vaguelettes laissées à la surface d’un étang par le jet d’une pierre. Ces ondes, prédites par la théorie de la relativité d’Einstein, et que rien n’arrête, sont causées par le mouvement d’objets très massifs. Ce raz de marée cosmique ne laisse que des ridules à son arrivée sur Terre, mais elles sont suffisantes pour que les physiciens remontent à leur origine particulièrement cataclysmique.

L’imposant trou noir, baptisé GW190521, est le résultat de la fusion de deux autres trous noirs géants, respectivement 85 et 66 fois plus lourds que notre Soleil, qui se rapprochent l’un de l’autre en une spirale fatale. Quatre tours de cette danse cosmique en un dixième de seconde ont été enregistrés par les instruments installés aux Etats-Unis et en Italie et détaillés dans deux articles publiés le 2 septembre dans Physical Review Letters et The Astrophysical Journal Letters.

« Comme un chaînon manquant »

Cette masse record n’est pas le principal intérêt de cette découverte. « Ce trou noir est pour nous comme un chaînon manquant. C’est la première fois que nous repérons un tel objet de plus de 140 fois la masse solaire », précise Michela Mapelli, de l’université de Padoue, en Italie, et membre de la collaboration LIGO-Virgo. Plus précisément, le nouveau venu tombe entre les deux types de trous noirs connus jusqu’alors. Il y a les trous noirs « stellaires », résidus de l’explosion d’étoiles massives et de la concentration de la matière restante. Et ceux dits « supermassifs », plus de 100 000 fois la masse de notre Soleil et qui nichent au cœur des galaxies, ayant grossi par engloutissement de quantités énormes de matière galactiques.

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Vue d’artiste de la fusion de deux trous noirs géants.
Vue d’artiste de la fusion de deux trous noirs géants. Mark Myers, ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery (OzGrav)

Dans la zone dite intermédiaire, il n’y avait jusqu’à présent qu’un désert, seulement peuplé de quelques « candidats » (tous au moins cent fois plus lourds que GW190521) repérés par des rayonnements causés par l’échauffement de matière à leur voisinage. « C’est la première détection solide d’un trou noir dit intermédiaire », souligne Félix Mirabel, chercheur émérite au CEA et professeur à l’Institut d’astronomie et de physique de l’espace à Buenos Aires (Argentine). « L’origine des trous noirs supermassifs est encore débattue. Une hypothèse est qu’ils résultent de la fusion d’objets de la population intermédiaire », rappelle Olivier Godet, enseignant-chercheur à l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse et codécouvreur, en 2009, de l’un de ces candidats de masse intermédiaire environ 10 000 fois plus lourd que le Soleil.Lire aussi  Les ondes gravitationnelles frappent une deuxième fois

« Pour l’un des relecteurs anonymes de notre article, cette découverte est la troisième plus importante faite par LIGO-Virgo », apprécie Michela Mapelli. Pour rappel, en tête, il y a la première observation d’une spirale de trous noirs, annoncée en 2016. En deuxième, l’identification d’un nouveau type de couple en fusion, deux étoiles à neutrons. Et en troisième, ce record, cette oasis dans le désert et… un océan de perplexité. Quelque chose ne tourne pas tout à fait rond dans ce couple, ou du moins quelque chose reste inexpliqué. L’un des membres de la paire qui fusionne pèse 85 fois notre Soleil, une mensuration a priori interdite par les scénarios classiques de formation de trous noirs.

Plusieurs scénarios pour résoudre le mystère

En effet, il existe une limite à la taille des trous noirs qu’il est possible de fabriquer par explosion d’étoiles. Plus ces dernières sont grosses, plus leur fin de vie est instable, au point de générer des explosions ne laissant que gaz et poussières, et donc pas assez de matière pour former des trous noirs. Des théories prévoient qu’ensuite, en considérant des étoiles encore plus massives, les instabilités se calment et une implosion en trou noir serait possible.

Or ce trou noir de 85 masses solaires se trouverait entre ces deux seuils, dans un autre désert, théorique donc : la recette manque pour le fabriquer. « Cette découverte est importante car elle oblige à revoir notre description de la fin de vie des étoiles », estime Félix Mirabel.

Plusieurs scénarios existent cependant pour résoudre le mystère. D’abord, corriger les équations décrivant les instabilités de fin de vie des étoiles pourrait repousser les divers seuils et expliquer la naissance du plus gros membre de GW190521. Ou bien, imaginer différentes manières de fusionner des étoiles pour faire directement un trou noir massif. Ou encore, à la manière de l’adage qui dit que les petits ruisseaux font les grandes rivières, engendrer des trous noirs de plus en plus gros, à partir de la fusion de plus petits… « Les grosses masses des deux progéniteurs de GW190521 montrent que de telles fusions sont possibles et donc envisageables pour expliquer la formation des trous noirs supermassifs », estime Olivier Godet.Article réservé à nos abonnés 

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L’intérêt de la détection des ondes gravitationnelles est qu’elle peut faire pencher pour une hypothèse ou une autre, car la manière dont les paires se tournent autour ne serait pas la même selon les divers scénarios. Cette mesure de rotation a été faite sur GW190521 mais n’est pas assez précise pour l’instant pour trancher. « Détecter plus d’événements nous aidera à en savoir plus », espère Michela Mapelli. Lors de la dernière fenêtre d’observation entre avril 2019 et mars 2020, près d’un événement gravitationnel par semaine a secoué les instruments. La prochaine, à partir de fin 2021, avec des appareils améliorés, en promet un par jour.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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