Des ONG dénoncent un « détricotage systématique » du droit de l’environnement
Trois organisations de protection de la nature ont boycotté une rencontre du Conseil national de la transition écologique pour exprimer leurs inquiétudes.
Par Perrine Mouterde Publié aujourd’hui à 02h27, mis à jour à 10h33

C’est le dossier des néonicotinoïdes qui a déclenché leur prise de parole, mais cela aurait tout aussi bien pu être un autre sujet. Trois organisations de défense de l’environnement ont refusé de participer à un Conseil national de la transition écologique (CNTE), mardi 1er septembre, pour dénoncer « une série de régressions environnementales, le poids des lobbys agricoles et cynégétiques et le peu de cas fait aux corps intermédiaires ». « C’est un peu comme si on donnait un avertissement à l’élève Macron en ce jour de rentrée », lance Arnaud Schwartz, le président de France nature environnement (FNE).
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), les Amis de la Terre et la FNE étaient conviées, en tant que membres du collège des ONG du Conseil, à une réunion consacrée à la présentation du projet de texte entérinant la dérogation à l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes et à une rencontre avec des représentants de la convention citoyenne pour le climat. « Nous boycottons ce rendez-vous parce qu’il y a une multiplication d’actes insidieux qui visent à détricoter systématiquement le droit de l’environnement et les dispositifs de participation citoyenne, explique M. Schwartz. Et le grand public ne s’en rend pas forcément compte. »Article réservé à nos abonnés Lire aussi Plus de deux tiers des Français souhaitent une meilleure prise en compte du bien-être animal
« J’observe un décalage très fort entre la perception de la société sur la question du climat, de la biodiversité et du bien-être animal et la manière dont l’exécutif reste indifférent à ces préoccupations, ajoute le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg. Nous sommes là pour rappeler la volonté de cette société. »
Réautorisation partielle des néonicotinoïdes
Le ministère de l’écologie s’est dit « déçu » de l’absence des associations. « Nous avons choisi de leur présenter ce projet de loi, alors que ce n’était pas une obligation, explique-t-on dans l’entourage de Barbara Pompili. Et il est excessif de dire que rien n’est fait en matière d’environnement : la suspension du piégeage à la glu est une victoire sur un sujet porté historiquement par la LPO. »
Les organisations environnementales s’inquiètent de la multiplication des agressions à l’encontre des militants d’ONG
Si le Fonds mondial pour la nature (WWF) ou Humanité et biodiversité n’ont pas boycotté la séance, ces associations affirment partager « le ras-le-bol » des trois ONG. « Nous avons fait le choix d’être présent au CNTE pour faire entendre nos arguments lors des échanges, dont le compte rendu sera transmis aux députés et aux ministres », précise Arnaud Gauffier, le directeur des programmes du WWF France.
Outre la réautorisation, pour l’heure partielle, des néonicotinoïdes, à laquelle elles sont opposées, les organisations environnementales craignent que les propositions de la convention citoyenne soient affaiblies lors de leur réécriture par le gouvernement. Elles s’inquiètent par ailleurs de la multiplication des agressions à l’encontre des militants d’ONG.
Simplification de la procédure d’autorisation environnementale, levée des contraintes environnementales pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris ou pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024… Parmi ce qu’elles qualifient de reculs en matière de protection de la nature, les ONG mentionnent aussi les attributions croissantes octroyées aux préfets : un décret du mois d’avril a pérennisé et généralisé le pouvoir de dérogation aux normes qui n’était jusqu’ici accordé qu’à titre expérimental.
« Cadeaux » au monde cynégétique
Les normes environnementales sont particulièrement concernées. Parmi les sept sujets pour lesquels cette dérogation peut s’exercer figurent l’aménagement du territoire et la politique de la ville, l’environnement, l’agriculture et la forêt, et la construction, le logement et l’urbanisme. Un rapport du Sénat de juin 2019 notait d’ailleurs que lors de la phase d’expérimentation, les dérogations ont porté avant tout sur des dossiers de subventions et d’environnement.
Concernant la chasse, les organisations ont regretté, une nouvelle fois, les « cadeaux » faits par le président de la République au monde cynégétique depuis son arrivée au pouvoir : baisse du prix du permis, extension de la chasse au sanglier, arrêtés autorisant la chasse d’espèces en danger… Si le piégeage à la glu a été suspendu, la chasse à la tourterelle, dont la population est en net déclin, vient d’être de nouveau autorisée.Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’exécutif suspend le piégeage à la glu mais maintient la chasse à la tourterelle des bois
« Aujourd’hui, une victoire c’est lorsqu’on empêche la nature de perdre, déplore Allain Bougrain-Dubourg. Sur la protection de l’environnement, je me sentais plus proche d’un Valéry Giscard d’Estaing, un chasseur mais avec lequel je pouvais travailler, que d’Emmanuel Macron, qui est complètement hors-sol sur ces sujets. »
En dépit de leurs griefs, les ONG se disent toujours ouvertes au dialogue et réaffirment leur soutien à Barbara Pompili, qui a, selon elles, largement prouvé son engagement sur ces questions dans le passé. « Le problème, c’est qu’on a l’impression que le ministère de l’écologie n’a que trop rarement son mot à dire,juge Alma Dufour, chargée de campagne surproduction aux Amis de la Terre. Sur les moratoires sur les entrepôts d’e-commerce, par exemple, tout est bloqué au niveau de l’Elysée. » « Barbara Pompili prend la mesure des contraintes de l’exercice,complète le président de la LPO. Il arrivera peut-être un moment où elle ne pourra plus occuper un poste dont elle n’a pas les moyens d’assumer la responsabilité. »