La convention climat entame un marathon de rencontres pour défendre ses propositions
Un projet de loi, bouclé début octobre, doit reprendre un tiers des mesures des 150 citoyens.
Par Audrey Garric et Rémi Barroux Publié aujourd’hui à 11h46, mis à jour à 12h10

Après s’être octroyé une courte pause estivale, les membres de la convention citoyenne pour le climat entament une rentrée chargée. Du Medef, mercredi 2 septembre, au Réseau Action Climat le 18, en passant par les étudiants de l’UNEF, l’entreprise Suez ou la Cour des comptes, ils doivent rencontrer une cinquantaine d’organisations pour présenter leurs 146 propositions, les expliciter, les défendre. En somme, faire vivre leur projet de transformation de la société.
Un marathon débuté mardi devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), une instance de dialogue réunissant 50 membres de divers horizons (syndicats, ONG environnementales, société civile, élus locaux et parlementaires) – rencontre boycottée par trois associations de protection de l’environnement.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Des ONG dénoncent un « détricotage systématique » du droit de l’environnement
Pendant deux heures, en visioconférence, une vingtaine de conventionnels ont répondu aux questions des membres du CNTE : comment maintenir la compétitivité des entreprises si une taxe carbone est mise en place aux frontières de l’Europe ? Comment agir au niveau local avec les entreprises et les administrations pour mieux organiser les déplacements ? Comment accompagner les agriculteurs dans la transition ? « Nous voulons répondre aux questions de tous les acteurs pour comprendre quels sont les éventuels blocages en vue de l’adoption de nos mesures », indique Amandine Roggeman, une Parisienne de 27 ans qui travaille dans le secteur culturel.
« Nous marchons sur un fil »
Mais le courant n’est pas toujours passé. Ainsi, la présidente de la FNSEA, premier syndical agricole, Christiane Lambert, s’est dite « déçue » à la sortie du CNTE. « J’ai été étonnée par la méconnaissance qu’ils ont des problèmes agricoles. Ils n’arrêtent pas de renvoyer à la PAC [politique agricole commune] en disant qu’elle suffira pour assurer la transition, alors que 30 % des agriculteurs vivent avec un revenu négatif même avec la PAC… Qu’il y ait une attente de la société, sur l’agriculture et l’alimentation, c’est évident, mais qui va payer la transformation ? Je me dis que ce ne sont pas eux qui ont écrit leurs propositions tellement ils avaient du mal à répondre à nos questions », estime Christiane Lambert. La convention, représentative de la société française, compte deux agriculteurs.
Les « 150 » sont donc bel et bien entrés dans le vif du sujet. Alors qu’ils avaient déjà participé à trois réunions de travail avec les parlementaires, les partenaires sociaux et les représentants des collectivités locales le 29 juillet, ils vont enchaîner huit réunions de concertation au ministère de la transition écologique dans les deux prochaines semaines, sur des thèmes divers : l’artificialisation des sols, la rénovation thermique, la publicité, l’agriculture, les déchets et les plastiques, les poids lourds, le secteur automobile ou encore l’aérien.Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Fiers » du travail accompli, les citoyens de la convention pour le climat adoptent leur rapport final
Le ministère de la transition écologique s’engage à boucler d’ici début octobre un projet de loi qui devrait reprendre un tiers de leurs mesures et qui sera examiné début 2021 au Parlement. « On est là pour éclairer sur l’ambition de nos mesures, mais pas pour écrire le projet de loi », prévient Grégoire Fraty, 32 ans, l’un des membres de la convention et coprésident de l’association Les 150. S’il se réjouit « d’être pris au sérieux dans le travail avec le ministère », Sylvain Burquier, responsable marketing d’un groupe de services, reconnaît toutefois que leur place n’est pas toujours facile à trouver : « Nous marchons sur un fil car le président nous a permis de participer au suivi de nos mesures mais nous n’avons pas de rôle institutionnel. »
« Il manque une volonté politique »
Les conventionnels ont lancé un site, Sansfiltre.les150, pour suivre leurs mesures, « voir ce qui a été adopté ou mis de côté, dénaturé ou pas », explique Grégoire Fraty. Et des craintes commencent à poindre. « Nous avons peur que certains sujets passent à la trappe, comme la renégociation du CETA [l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada] ou le moratoire sur la 5G, pour lesquels nous n’avons plus de réponse du gouvernement, s’inquiète Agnès Catoire, gestionnaire de paye, qui vit dans le Val-de-Marne. Beaucoup de choses ne se font pas de manière totalement transparente. »
Les citoyens n’ont, de fait, pas été associés à la préparation du plan de relance du gouvernement, qui sera dévoilé jeudi 3 septembre. « Tous les instruments législatifs sont en place pour reprendre les propositions de la convention, qu’il s’agisse du plan de relance, du projet de loi de finances ou du projet de loi d’octobre, mais il manque une volonté politique », avance Samuel Leré, responsable du plaidoyer à la Fondation Nicolas Hulot. Il craint que chaque mesure de la convention soit « rabaissée », à l’image du décret qui doit permettre aux locataires en situation de précarité énergétique d’exiger de leur propriétaire des travaux de rénovation, mais qui ne concerne que 120 000 logements sur 5 millions de « passoires thermiques ».
« Le gouvernement est toujours dans une stratégie de dilution, d’éparpillement et de report de leurs mesures », dénonce Clément Sénéchal, chez Greenpeace France
« On fait faire aux citoyens un travail de représentation en les baladant de ministère en ministère, mais, en réalité, il n’y a pas de portage franc du gouvernement, abonde Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France. Le gouvernement est toujours dans une stratégie de dilution, d’éparpillement et de report de leurs mesures. » Après une première rencontre à Matignon en juillet, les citoyens doivent à nouveau être reçus par le premier ministre courant septembre.